La loi du 6 décembre 2021 marque un tournant en matière de filiation. Les parents d’un enfant né sans vie peuvent désormais lui donner un nom de famille. Ils étaient 8747 enfants nés sans vie en 2020. Cette faculté de nommer ces enfants est rétroactive et peut concerner les familles endeuillées antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. Elles devront patienter jusqu’à la parution des textes d’application.
Jusqu’à présent, tout enfant né non viable, décédé in utero ou au cours de l’accouchement, ne pouvait bénéficier que d’un prénom symbolique, dès lors que la grossesse dépassait la quinzième semaine. Ses parents ne pouvaient pas lui transmettre de patronyme. Cette possibilité est désormais ouverte, et c’est heureux ! Accorder un nom à cet enfant revient à lui conférer une reconnaissance réelle et à l’identifier comme un membre à part entière de la famille même s’il n’a pas vécu.
« Ne pas ajouter l’oubli à l’insupportable tragédie »
« L’enfant né sans vie n’est pas rien. Il appartient à la famille », a plaidé Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, lors du vote du texte à l’Assemblée nationale le 26 novembre 2021. Convaincu de la nécessité d’admettre dans le code civil l’inscription d’une mémoire pour apaiser cette souffrance si longtemps déniée, il faut donner un nom de famille aux enfants nés sans vie pour ne pas ajouter l’oubli à l’insupportable tragédie. »

Pourra ainsi figurer dans l’acte de décès « à la demande des père et mère, le ou les prénom(s) de l’enfant ainsi qu’un nom qui peut être soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. Cette inscription de prénoms et nom n’emporte aucun effet juridique », conclut le texte.
Une loi rétroactive qui s’applique aussi au livret de famille
Cette loi s’applique également aux enfants nés sans vie dans le passé. « Cette possibilité de nommer l’enfant dans les actes d’enfant sans vie sera également ouverte pour les actes déjà dressés qui pourront ainsi être complétés » a indiqué le ministre de la justice lors des débats parlementaires.
L’inscription de l’acte dans le livret de famille est également envisagée. « Il sera prévu par décret que, à la demande des parents, le livret sera complété ou délivré, a précisé le ministre qui s’engage également à ce que « ces nouvelles dispositions réglementaires soient largement diffusées pour accompagner les familles frappées par ce deuil profond. »
En 2020, 8 747 actes d’enfant sans vie ont été dressés.
Sources : loi n° 2021-1576 du 6 décembre 2021 : JO 7-12 texte n° 2 ; article 79-1 du Code civil
Déclaration d’enfant né sans vie : origine et histoire
La première mesure encadrant les enfants mort-nés date du Code Napoléon. En 1806, un décret a précisé comment l’officier de l’état civil devait rédiger l’acte de présentation d’un enfant né sans vie qui permettait aux parents d’inhumer la dépouille. Retranscrit dans le registre des décès, l’acte ne mentionnait ni le nom, ni le prénom de l’enfant.
En 1848, une circulaire a souligné que l’enfant mort-né est celui sorti sans vie du sein de la mère après 180 jours de grossesse (6 mois). La délivrance de ce document administratif visait uniquement à garantir l’hygiène publique.
Enfants inommés puis oubliés

État civil, archives des Hauts-de-Seine
L’an 1902, le 29 octobre, à 9 heures au matin, Acte de présentation d’un enfant sans vie de sexe féminin, fille de A. B., âgé de 39 ans, comptable, et de L. S., son épouse âgée de 34 ans, sans profession, demeurant à A. rue d’Angeville. Dressé par… sur la déclaration du père de l’enfant et de Monsieur J. S. âgé de 30 ans, lesquels ont affirmé que la susdite enfant est sortie du sein de sa mère hier à neuf heures du soir au domicile de celle-ci et ont signé après lecture.
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